Chers membres du club des “ARTC”

Après avoir longtemps freiné des 4 fers, j’ai enfin cédé aux excellents arguments du Pr Chinot et de Mme David qui m’ont convaincue de partager mon expérience et de l’utilité de ce partage.

J’ai donc mis en veille ma légendaire timidité (si si) pour vous raconter mon voyage en Tumorland.

Quand tout a commencé

Retour de voyage. Suis très fatiguée: peu dormi car l’avion était prévu à 5h du matin, stressée à l’idée de reprendre un travail que j’aime mais très exigeant, un repas arrosé avec mon frère qui nous rendait visite.

Au milieu de la nuit: crise de clonies sur ma jambe droite. J’ai si mal que je demande à ma compagne et à mon frère de me tenir la jambe pour que ça cesse.

Je n’arrête pas de pincer ma jambe pour voir si je la sens toujours...

Je ne peux plus marcher sans être soutenue, et mon bras droit donne aussi des signes de faiblesse.

Quelques heures plus tard, nous appelons les urgences. Diagnostic : la Dengue !

Le lendemain, je vois mon généraliste qui me prescrit un doppler par peur d’une dissection aortique. Puis je suis adressée à un centre pour faire un scanner, où je dois demander sans succès le résultat avant de retourner chez mon médecin. Celui-ci, après avoir vu le cliché, me demande de revenir plus tard. Je crois en fait qu’il devait se préparer et appeler le neurologue avec lequel il travaille.

Coup de chance pour moi, son neurologue est en vacances. Donc j’en vois un autre. Constat : gliome mal placé, il me demande ce que je veux faire.

C’te blague: l’enlever bien sûr ! Re-coup de chance, il a travaillé à la Salpêtrière où il a formé le Dr Duffau qui travaille en stéréotaxie à Montpellier. Il me reçoit très vite: biopsie etc ...

Une semaine après j’y retourne et c’est là que “la dame-oclés” (emprunt à Mathias Malzieu) me tombe dessus : gliome inopérable avec commentaires et image à la clé -“Voyez- vous, votre tumeur est située à un très mauvais endroit, Qui plus est, elle est en toile d’araignée. Si je l’opère je risque de faire plus de mal que bien. C’est comme si vous étiez un yaourt, que l’on fasse tomber dedans une cerise, là je peux l’enlever, dans votre cas quelqu’un a tourné la cuillère !”

Youpi je suis un yaourt perdu, larmes aux yeux, effrayé et heureusement consolé par sa compagne.

Coup de chance (ça en fait des coups….) le neurologue est revenu de vacances alors mon généraliste m’y envoie et là : VRAI COUP DE CHANCE! Il connaît le Pr CHINOT, et double coup de chance : Il me reçoit le lendemain (un désistement).

En route pour la Timone à Marseille (j’habite près de Cannes, je ne connais pas encore les tracasseries de la Sécu, qui maximisent votre stress).

L’attente

 Le Pr Chinot nous reçoit avec empathie et compétence (ça marche dans les 2 sens) et nous indique qu’il va étudier la situation avec son staff vendredi et qu’il rappellera. Nous sommes mardi.

Orage dans ma tête, tout se bouscule. Pourquoi moi ? J’ai 46 ans, la pêche, je ne veux pas devenir un légume dans un fauteuil, je veux garder l’eau et le gaz à tous les étages, je me fais un film que je déteste dans lequel je bave,

Je m’épuise à penser en outre noir, à la Soulages.

Je ne suis pas très patiente comme fille, cette attente qui n’en finit pas, je suis suspendue au coup de fil de vendredi.

L’horloge (biologique) n’en finit pas de tourner au ralenti, je regarde l’heure toutes les cinq minutes. Ces jours –là, j’ai dû user ma montre, 18h, 19h, 20h c’est cuit pour aujourd’hui me dis-je, demain c’est samedi, j’ai peur.

21h15: le téléphone sonne. Vite sur mains libres. Il prend son temps, s’excuse d’appeler si tard, et nous explique que je vais devoir suivre un protocole de chimio et que si ça marche, il ne faut pas espérer recouvrer + de 80%.

Avec des séquelles, m’en fous, tout du moins pour l’instant, cap sur 80 !

Les soins et l’équipe qui les prodigue

Camille, Emmanuelle, Fanny, Solange, Véronique, je sais que j’en oublie, sont aux petits soins pour moi, des soins qui piquent fort mais qui sont faits avec la plus grande douceur possible. Les pauvres: elles courent partout. Entre les machines qui sonnent, les gens qui pleurent parce qu’ils souffrent ou ne comprennent pas vraiment ce qu’on leur dit. Et moi qui m’impatiente parce que je ne comprends pas pourquoi le “produit “ n’arrive pas, pardon Solange j’ai dû vous taper sur le système, mais vous ne l’avez pas montré. Pardon aussi aux autres que j’ai pourchassés avec des “c’est mon rinçage ?”, sur 128 svp, plus vite, plus tard.

Vous avez faim Mme Patti ? heu non non, le premier plateau m’a suffi. Et comme je suis une fille organisée je viens équipée. Un coca light ? ah oui merci Camille. Après 2 ou 3 ans à venir tous les 15 jours (Sarah m’accompagne toute une année puis : plus de RTT... donc taxi)

Je prends mes habitudes. J’ai mon propre brassard (eh oui !) donné par l’infirmière du labo qui me pique avant chaque RDV.

Mme Patti, il faudrait songer à faire poser un cathéter : ah ça jamais ! Je préfère avoir mal et l’air d’une junkie qu’attraper une maladie nosocomiale !

Au premier cycle je souffre vraiment. Saleté de bélustine, je rentre en pleurant, j’appelle ma mère (au figuré).

La radiothérapie

Je fais le cycle de radiothérapie à Mougins dans le 06 (la sécu ne pourra pas m’embêter nananère !)

Je suis claustrophobe. Alors le masque en plastique façon bas résille m’étouffe. “Les filles acceptent de ne pas fixer le dernier point. Merci, cela suffit avec des IRM où l’on doit m’aider à descendre de la table et me raccompagner au fauteuil tellement je suis shootée aux calmants.

Vous ne perdrez vos cheveux que sur la petite partie du rayon : je ressors telle un bagnard avec des cheveux d’un seul côté, je rase l’autre, entretemps je prends 16 kilos grâce à la cortisone.

Je sors dans la rue tête nue, c’est pas de ma faute tout de même!! Vous connaissez le regard des gens, alors je n’épilogue pas. Je ressemble à un Bouddha !

Résultats positifs. Je veux reprendre le travail malgré les avertissements de

“ Dieu” car il est devenu mon Dieu, même s’il n’appréciera pas car en plus il est humble !

Le mi-temps thérapeutique :

Pendant 8 mois je reprends le boulot dans d’assez bonnes conditions. J’ai même une méridienne dans mon bureau pour me reposer, Freud ou Yung ?

Mais au fur et à mesure je m’aperçois que je perds la mémoire. Celle des noms, il faut dire qu’il y a beaucoup de gens chez Thalès (TAS) mais aussi celle qui me sert tous les jours à gagner la confiance des gens avec (ou pour) lesquels je travaille ; je cherche mes mots, mon anglais n’est plus aussi fluide.

Je ne veux pas perdre ma crédibilité, alors retour à la Timone et mise en invalidité.

La Timone, le retour :

Cette fois, je vais bien plus mal que lors de ma précédente cure. Je me rends compte que les mots qui sortent de ma bouche ne sont pas du tout ceux que je veux dire, je flippe vraiment. Ca y est c’est la descente aux enfers.

La “dame – oclés” me reluque, je sens que son épée commence à me frôler la tête, je sais que l’on a tous une épée de Damoclès au-dessus de la tête, mais là elle frotte.

Je rêve en anglais ou italien, c’est marrant les langues ne sont pas rangées dans le même tiroir !

Pendant mes périodes de répit, j’écris tout ce qui se passe dans mon corps : crise d’épilepsie à telle heure tel jour ; durée tant, urbanyl, tant etc.

Je viens tous les 15 jours, donne ma feuille à “Dieu” qui en tient compte !! Moi ça me permet de me souvenir, de ne pas être dans l’émotionnel, et je le vis comme une reconnaissance de “vous savez qui” !

Et Sarah qui tient le coup. Je prends une thérapeute comportementaliste pour m’aider dans cette épreuve et ne pas faire reposer ma plainte uniquement sur Sarah.

Il faut que je vous dise deux mots sur elle : c’est quelqu’un de fiable, qui fait ce qu’elle dit. Le problème c’est qu’elle est assistante sociale chargée des handicapés et des personnes âgées... en gros elle a pris du boulot à la maison.

Je suis comme un Gremlins : passé 21 h je n’enregistre plus rien. Alors je repose 20 fois les mêmes questions. C’est très pénible pour elle, même si on cherche des parades comme écrire mes questions ET les réponses.

Malheureusement j’oublie souvent de regarder le cahier, ou bien je n’arrive plus à me relire car ma main droite ne fonctionne pas très bien...

Le temps passe où je suis totalement centrée sur moi, je me bats.

Grâce à la nouvelle cure (avastin sans témodal ) je vais de mieux en mieux.

J’attends avec impatience le M qui va venir remplacer le GR de régression en rémission. 

Les “amis” et les autres :

Combien de fois avez-vous entendu : “ça va aller, on s’rappelle” et plus rien,

Ou: “j’ai une amie qui avait une tumeur grosse comme ça, on l’a opérée et tout est rentré dans l’ordre”. Mais bon sang! On vous dit qu’elle est inopérable, vous entendez ??? (à ne surtout pas dire, ça fait trop peur)

Un jour je raccroche d’une conversation très longue avec le Dir financier de la boîte où je travaillais avant. On parle musique (on jouait ensemble) et il raccroche en disant 3 fois je t’aime (s’il y a des cinéphiles c’est un sketch de Signoret et Montand).

Je raccroche et je dis à Sarah “il ne m’appellera plus jamais” Banco ! Trop peur de faire face à la mort, la leur.

Ou encore : “Que tu es courageuse ! je ne sais pas comment tu fais ! et je réponds inlassablement “ce n’est pas du courage, c’est mon instinct de survie” Rien n’y fait.

Alors je ne reçois plus beaucoup d’appels (j’ai changé de forfait) et les invitations à dîner deviennent rares, avec des excuses du genre “dès que j’ai reçu ma grande table je vous invite” Véridique !

Et des gens pour lesquels vous avez beaucoup fait qui vous écrivent après que vous soyez en rémission et qui disent : je ne savais pas que tu peignais aussi bien, c’est dingue, j’avais bien vu à Paris tes premiers tableaux...

(car il y a eu une exposition dans mon ex entreprise). Elle a compris mon point de vue de façon assez nette je crois !

Dans le corps médical, c’est pas mal non plus. Ceux qui sont derrière des machines: un seul exemple : au premier pet scan où l’on ne comprend pas pourquoi tout le monde est convoqué à la même heure. C’est pourtant si simple de l’expliquer, même sans parler : une simple affiche... Et le professeur M (comme le maudit) qui dit à la cantonade : “j’ai 3 cerveaux ce matin” Je lève le bras ; ça y est je suis passée du yaourt à l’étal d’un tripier !

Je me demande si je ne préfère pas le yaourt.

Aujourd’hui j’ai gagné le M de rémission ! Je suis pleine de gratitude ; mon cœur explose de joie. Lorsque je rentre chez moi je vois tout en rose : je suis vivante avec quelques séquelles avec lesquelles je me bagarre déjà.

Sarah est restée avec moi, nous nous sommes même mariées !

Il fait beau, j’ai un jardin, mon chien, mes rosiers, ma peinture, ma guitare. Bien sûr, c’est plus facile de se retaper dans ces conditions, que dans un appartement à Bezons, mais bon, j’ai cette chance. Je fais de nouveaux projets de voyage, plus loin.

Les visites à la Timone sont plus espacées et ce sont des consultations, et là aussi j’ai quelqu’un à remercier : Dominique qui fait tout pour me faciliter les choses,

Elle sait bien qu’on n’est pas fiers quand on arrive pour savoir si tout va (encore) bien.

Au bout de 2 ans de ce régime guimauve où je vois tout en positif, quelques nuages noirs passent, du style : je ne peux plus faire de moto, de plongée sous-marine, de ski de... bouh.

Le Pr Chinot s’en étonne, surtout du fait que ça arrive maintenant alors que je suis à nouveau sur le gué. Ma seule réponse : j’ai fait ma crise d’adolescence très tard !

Le bonheur c’est aussi d’accepter ce qu’on est.

A tous je souhaite, non pas bon cou... mais serrez les dents, tenez le coup. Croyez, non pas en Dieu, mais en VOUS.

Véronique.

NB : Si vous croyez en Dieu n’arrêtez pas mais ajoutez la croyance en vous.